Dans la brume du Darjeeling, Mikael Bergstrand

N’en déplaise à tous ceux qui n’aiment pas qu’un Blanc écrive sur l’Inde, l’Afrique, la Chine ou tout lieu hors de la Norvège : ce livre est réussi. Il faut vraiment être tordu pour y voir du racisme ou du colonialisme.

Après Les Plus belles mains de Delhi, qui m’avait beaucoup plu, nous retrouvons Gorän. Ce Suédois, la cinquantaine, divorcé, plein de défauts attachants, a retrouvé en Suède toutes ses mauvaises habitudes. Il a hâte de retourner en Inde pour le mariage de son ami Yogi. Cette amitié, née dans le premier livre, se forge dans le second. Dans la brume du Darjeeling est une histoire d’amitié.

J’ai aimé ce livre, que l’on peut qualifier de roman de gare masculin.

J’y ai encore retrouvé des moments que j’ai vécus en Inde. L’auteur se sert d’un un avantage : il y a habité ET il y a travaillé. Mikael Bergstrand sait comment cela fonctionne pour régulariser sa situation, nouer des contacts professionnels, faire les courses, etc. J’ai souri et j’ai ri avec certaines anecdotes.

Surtout, ce livre m’a plu car j’aurais aimé l’écrire. Le mien est un récit autobiographique non romancé : plus dur, plus triste, écrit à chaud. Avec Dans la brume du Darjeeling, nous lisons un roman léger et amusant.

Le style me semble un peu plus recherché que pour le premier, mais très accessible : cela permet de terminer la lecture en deux jours, sans se concentrer.

Je trouve ce deuxième volet réussi, bien qu’un peu répétitif par rapport au premier. Il présente toutefois l’avantage de s’attarder sur des personnages secondaires, comme la mère de Yogi. J’ai apprécié la fin, que je n’ai pas vu venir. Je lirai le troisième avec plaisir.

L’Anomalie, Hervé Le Tellier

Attention, chef d’œuvre. En cette année 2022, j’ai lu ou écouté une quarantaine de livres. Si je devais en retenir un seul, ce serait L’Anomalie.

Je n’avais rien lu d’aussi original et marquant depuis des années. Hervé le Tellier nous surprend à chaque chapitre, modifie le style pour servir le récit, joue avec la typographie. Il maîtrise son livre de A à Z pour nous offrir un OVNI littéraire.

Comme d’habitude, je ne vous raconte pas l’histoire mais voici la quatrième de couverture pour ceux qui aiment les lire :


Certains reprochent à ce livre d’être confus, il est pourtant très clair à condition d’accepter d’être un lecteur actif, ce que ne demandent plus les best-sellers contemporains mièvres.


Deux ou trois chapitres m’ont moins intéressé, mais l’ensemble est si riche et pensé, que ce livre mérite amplement son prix Goncourt et beaucoup mieux : une lecture.

Mohini ou l’Inde des femmes, Rose Vincent

Je n’avais guère envie d’ouvrir ce livre. Je ne suis pas le lecteur idéal pour les récits d’une bourgeoise occidentale sur les bourgeoises indiennes.

Je me suis trompé : Mohini ou l’Inde des femmes est à lire.

Je peux être peau de vache, j’en conviens. Qualifier Rose Vincent, une résistante, une journaliste, de « bourgeoise » pour être femme d’ambassadeur en Inde, c’est facile. J’en ai le droit ! Parce que ce livre est une biographie de Mohini et de sa famille, à travers de nombreux thés au cours desquels Rose Vincent intervient. Cela fait partie du jeu quand on s’expose. Je m’en prends des réflexions à cause de mon autobiographie de prof en Inde, Bonjiour Miéssieur. Rien que sur le titre, les imbéciles tiquent. Imbécile que je suis, la photo de l’autrice sur la couverture me démotivait, j’avais l’impression d’une pub pour le café en vente par correspondance dans les années 80, vous vous en souvenez ? C’était une famille de 4 personnes…

Ce livre a été publié en 1978, il a vieilli. Mais est-ce un problème ? Et si c’était sa force ? Si ce livre avait un intérêt historique ? Pour moi, oui. Par exemple quand Rose Vincent constate qu’il y a plus de députés femmes (elle ne met pas le mot au féminin) en Inde qu’en France (9 à l’époque). De plus, Rose Vincent n’a pas ménagé ses peines, elle a même appris l’hindi.

Le style est clair et rigoureux, plutôt journalistique, l’ensemble est équilibré, un peu comme chez Dominique Lapierre (ils ont à peine 13 ans de différence). C’est quand même mieux que bon nombre de best-sellers actuels.

Ce livre m’a permis d’en savoir davantage sur l’Inde et les femmes, deux sujets qui me passionnent. Merci Rose Vincent !