Les mots immigrés, Erik Orsenna et Bernard Cerquiglini

« Et si les mots immigrés, c’est-à-dire la quasi-totalité des mots de notre langue, décidaient de se mettre un beau jour en grève ? »

Les deux auteurs nous offrent un conte sur l’histoire de la langue française, des mots gaulois (je savais déjà qu’ils étaient peu nombreux, comme « alouette » et « tonneau »), latins, grecs, italiens, anglais, allemands, régionaux… Ce court livre, qui se dévore en une heure, se révèle très instructif, pour les amoureux de la langue française et notamment de l’étymologie. J’ai par exemple appris que « caramel », « fétiche » et « marmelade » étaient portugais. J’aurais dit français pour les deux premiers et anglais pour le troisième.

Plus surprenant, ce livre est engagé, il se moque de l’extrême droite. Il est certain que les mots ne connaissent pas de frontières, ils les traversent, pour revenir parfois sous une autre forme.

Ce que j’ai apprécié dans leur réflexion est d’évoquer 3 points qui guident mon écriture :

– Un hommage aux ressources de la francophonie. J’ai déjà utilisé dans mes livres le merveilleux « égoportrait » et le truculent « divulgâcher ». J’admire l’inventivité de l’Office québécois de la langue française qui répond souvent très bien à toutes nos recherches en ligne.

– Un hommage aux langues régionales. Je suis de Montpellier et je recours à des mots occitans comme « s’enfader ».

– Une critique du franglais que l’on retrouve dans le monde de l’entreprise :

« Alors pourquoi, mais pourquoi, vous, Français, ne parlez-vous plus français ? Pourquoi renoncer à vos mots ? Vous savez que vous êtes ridicules ? « L’équipe de direction, qui travaille en espace ouvert, a confié la légende de l’entreprise à un laboratoire d’idées. » C’est clair, non ? Tout le monde comprend. Alors pourquoi ce galimatias : le staff du manager, qui coworke en open space, a confié le storytelling à un think tank ? »

J’essaie d’éviter pas mal d’anglicismes quand j’écris, car j’estime que c’est un combat à mener. Certains trouvent que ce choix des mots est ridicule ou artificiel, mais sincèrement, I don’t give a shit.

Voici en tout cas un cadeau sympa pour tous les curieux.

Aranea, La légende de l’Empereur, Alexandre Murat

Au cours d’une émission littéraire sur internet où je participe tous les vendredis, j’écoute l’interview d’Alexandre Murat, un descendant de Joachim Murat. Séduit par l’amabilité de cet homme, je lui commande son livre. Vous le savez peut-être, comme je paye mes livres, je me sens libre dans mes chroniques.

Alexandre Murat signe son premier roman, un thriller historique. Deux groupes s’affrontent aux quatre coins du monde pour trouver 7 aigles en argent légués par Napoléon avant sa mort.

Aranea sera sans cesse comparé aux livres de Dan Brown. Le Da Vinci Code est plus haletant, mais Aranea réveille en nous un intérêt, une fierté pour certains, vis-à-vis du Premier Empire.

Aranea est un accrolivre, « page turner » si vous préférez. La lecture s’enchaîne avec fluidité, de cours chapitres exposent une histoire intéressante et compréhensible. Pour un premier roman, le style paraît maitrisé, l’éditeur a entrepris sûrement un réel travail. Alexandre Murat domine son sujet et les codes d’un tel roman. Il a entrepris un travail de recherches qu’il nous livre sans pédanterie.

Si les personnages sont clairement identifiables, j’aurais aimé qu’ils gagnent en profondeur, tout comme les descriptions. À voir si Alexandre Murat s’impose plus dans son deuxième roman, car il y en aura un autre, j’en suis certain.

Le Grand Monde, Pierre Lemaitre

Je suis un admirateur de Pierre Lemaitre, j’ai lu tous ses livres, policiers ou romans picaresques (je préfère les picaresques, par goût en général).

Le Grand Monde raconte une année folle d’après seconde guerre mondiale de 4 enfants d’un couple très aisé, à Paris, au Liban et en Indochine. Un aîné maladroit, malheureux et tueur en série, un cadet qui arrête ses études pour être journaliste, un garçon qui part en Indochine retrouver son amant et une benjamine libre et rebelle.

Cette fois-ci, je me suis dit « C’est un peu longuet au début ». « Tiens des phrases que je ne comprends pas » (Pour ne pas comprendre un tel auteur, il faut être limité, je me suis inquiété quant à ma santé mentale). Je me sentais prêt et près d’écrire une chronique sévère.

Et puis, et puis… Deux personnages qui m’ont touché : Louis, le père aimant et Geneviève, la bru insupportable et plein de ressource. Lemaitre est excellent pour décrire les personnages, dans tous ses livres.

Autre chose : ce livre m’a surpris, les rebondissements m’ont enchanté, les clins d’œil subtils à l’actualité, l’humour… Il s’en prend encore aux juges, avec un simplet cette fois-ci.

Le seul défaut de Lemaitre est de donner envie aux autres auteurs d’arrêter d’écrire, victimes du syndrome de l’imposteur.

J’ai envie de relire Au revoir là-haut, son chef d’œuvre pour vérifier si le Grand Monde reste en dessous.