Arrête tes mensonges, Philippe Besson

Deuxième livre de cet auteur, après Paris-Briançon. J’ai préféré Paris-Briançon, parce que c’est un roman et parce que le style m’a paru plus poétique, plus délicat, avec des descriptions soignées.

Arrête tes mensonges a été pour moi un Call me by your name version autobiographique, certes moins bourgeois, mais tout autant « Plongeon dans les années 80 ». Si on n’a pas été adolescent ou jeune adulte à cette période, le charme pourrait moins s’opérer. Arrête tes mensonges est un livre pansement, d’un grand intérêt, mais qui ne mérite pas tant d’éloges. L’auteur doit être le premier surpris du succès. J’ai écrit une autobiographie Namaste Sirji ! Un prof en Inde et je sais le manque de recul que nous pouvons avoir pendant l’écriture. Ces livres fonctionnent quand ils racontent une histoire vraie, mais leurs auteurs souhaitent vite passer au suivant.

Attention : Arrête tes mensonges est un très bon livre, lu rapidement et sans ennui. Et l’auteur vise juste quand il évoque les brimades dans la cour du lycée « gestes efféminés », « poignets cassés », « yeux qui roulent », « fellations qu’on mime ». Là, oui, malheureusement, Arrête tes mensonges n’a pas pris une ride.

En conclusion, je lirai sans hésitation son prochain livre, par emprunt à la bibliothèque. Je préfère soutenir d’autres auteurs.

Feu, Maria Pourchet

Je lis les premières lignes. Je ne saisis pas qui parle, de quoi il s’agit, le lieu et l’endroit.

J’abandonne.

Une semaine après, je reviens.

Et je comprends. Nommée pour le Goncourt 2021.

Car si l’histoire est banale (une femme mariée et perdue sort avec un homme tout aussi perdu), le style l’est beaucoup moins.

Ce fut un plaisir de lire un écrit original et osé.

Maria Pourchet enchaîne des chapitres où la protagoniste Laure s’écrit à elle-même, à la deuxième personne du singulier, au présent et au passé simple. Clément, l’amant, écrit… à son chien.

Ainsi, chaque évènement est raconté selon le point de vue féminin ou masculin. Si je me suis mis dans la peau d’une femme pour Les Dettes de Je, Maria Pourchet alterne les deux personnages avec brio, sans caricature. Des êtres sensibles, malheureux, maladroits, peut-être pas faits pour aimer.

J’ai lu « Pourchet est une Houellebecq de gauche ». Pas vraiment. Certes, le point commun est la présence de mots crus et de réflexions acides, mais le style diffère. Houellebecq cherche une certaine forme de poésie, de provocation, alterne les constructions de phrases. Pourchet constate par des mots durs comme l’acier et embarque davantage le lecteur dans une histoire tout aussi commune.

En tant que docteur en droit, j’ai jubilé quand elle s’en prend à l’université française. Elle en vient, elle était maître de conférences, elle connait ses anciens collègues :

Kader affecte une sévérité hors de propos qui ravage le jeune, ignorant qu’elle ne s’adresse pas à lui. Kader ne le défonce que pour s’offrir à lui-même, au moins une fois dans le trimestre, l’illusion de sa puissance académique.

Un excellent livre, pour des lecteurs qui aiment varier les lectures et les surprises.

Le Cerf-volant, Laetitia Colombani

Après La Tresse, livre efficace, mais commercial et un peu caricatural, j’emprunte Le Cerf-volant à la bibliothèque.

Comme toujours avec Colombani, l’histoire tient la route : une professeure d’anglais brisée par un drame se démène pour créer une école dans le sud de l’Inde. L’autrice est avant tout une scénariste, je n’ai aucun doute que ses films seront meilleurs que ses livres.

Comme trop souvent avec Colombani, le style est moyen : 

« Des filles se pressent devant le QG, d’autres hésitent à entrer. Toutes sont intriguées par cette étrangère qui offre ses services et son temps à qui veut en profiter. Il n’y a ni engagement ni obligation, aucun prix à payer. Juste une heure à partager, au fond de ce faubourg, dans un garage désaffecté ».

Que des lecteurs et lectrices puissent être touchés par les histoires de Colombani, je le conçois (moi, elles me laissent plutôt indifférent), mais le style n’est en rien « magnifique » comme je lis parfois. C’est souvent sans recherche, avec des verbes pauvres et des tournures paresseuses.

Toutefois, j’ai préféré Le Cerf-volant à La Tresse, car je l’ai trouvé moins caricatural ; la psychologie des personnages est plus travaillée.

En conclusion, un livre que je ne recommande pas à l’achat (l’autrice et Grasset s’en remettront^^). Je conseille plutôt La Route de la joie ou la création d’une école en Inde, d’Hélène Khim-Tit, justement sur le même thème, en autobiographie.