King Kong Théorie, Virginie Despentes

Ce fut une mauvaise idée de lire ce livre après Cher Connard et les 3 Vernon Subutex. J’ai un peu saturé, j’ai envie de lui dire « Change de disque ».

Je suis mal placé pour la critiquer, car moi aussi, je répète peu ou prou les mêmes concepts dans mes livres, dans lesquels la rupture est toujours un thème central.

King Kong Théorie est peut-être un de ses meilleurs livres, mais le moment fut mal choisi. Je me suis lassé de ses exagérations sur les « hommes » et les « femmes ». Un coup on est tous les mêmes, un coup on est différents… Je ne suis pas friand des essais, il me semble qu’elle infuse mieux ses messages et ses combats dans ses romans.

Tata Despentes, je t’aime bien, tu m’intéresses, je te retrouve dans quelques années. Tu m’as un peu saoulé, bien que je ne nie pas la pertinence de tes analyses.

Les grandes villes n’existent pas, Cécile Coulon

« Cette histoire n’en est pas une. Ce n’est ni un roman ni un essai. Ni un conte ni un documentaire. Pas même un témoignage. C’est un regard, un regard d’abord patiemment aiguisé, posé en silence sur les terres auvergnates. »

Soit. Ce court regard, une œillade presque, m’a paru intéressant. Ce livre de 2015, écrit par une jeune autrice de 25 ans à l’époque (qui se croit loin de l’adolescence, mais qui comprendra vite qu’on n’en est pas loin, à 25 ans) offre une multitude de pistes de réflexion. C’est le livre idéal pour débattre ensuite, pour rafraichir nos souvenirs : la salle des fêtes, l’église, le stade, les transports, le système de soins. Cécile Coulon, dans un style clair, d’une grande maturité, ne juge pas, n’encense pas.

J’ai grandi dans un monde semi-urbain, à 13 km de Montpellier, à Castries, lieu de mon dernier livre, Comme il faut. 3400 habitants quand je suis né, presque le double aujourd’hui, plus grand-chose de rural. Si je n’ai pas connu le monde rural de l’autrice (800 habitants, dans un village isolé), j’ai connu, surtout à l’époque, le manque de transport public, les rites religieux, la sécurité, le collège avec des enfants d’autres villages, le lycée loin de tout, etc.

Bien envie de lire à nouveau cette autrice.

Carnet de mémoires coloniales, Isabela Figueiredo

Imaginez. Vous êtes né(e) au Mozambique, du temps de la colonie portugaise. Vos parents, des Portugais qui ont fui la pauvreté pour un avenir meilleur, ont amélioré leur sort et préparent votre futur.

Votre père, vous l’aimez. Plus peut-être que votre mère, en tout cas, il vous fascine. Il règne sur son foyer, rien d’exceptionnel à l’époque. Il n’hésite pas à vous battre, à vous punir, à vous chérir, il décide et on ne discute pas.

Votre père est un colon, avec tous les travers du colon. Raciste, capricieux, intolérant, violent. Attention, vous n’êtes pas nés dans une famille de riches colons. Non, une petite classe moyenne ou même populaire qui s’offre des plaisirs uniquement parce que d’autres n’en ont pas et vous servent.

Vous aimez votre père, mais vous vous sentez différent(e) de lui. Vous n’allez pas vous mélanger aux Noirs, c’est interdit, mais vous ne comprenez pas pourquoi, dès votre enfance.

Votre père vous prie avant de monter dans l’avion de raconter ce que les « nègres » (le mot est employé tout au long du livre) font aux Blancs. Votre père rêve d’une Afrique blanche sur le modèle de l’Afrique du Sud, débarrassée du Portugal.

Des années plus tard, vous souhaitez écrire sur cette période, vos dernières années sur votre terre natale, avant le retour au Portugal dans le plus grand dénuement.

Vous allez livrer un témoignage, une petite histoire dans la grande. En trahissant votre père, à qui vous dédiez ces pages.

Dans ce court récit autobiographique, un best-seller primé au Portugal et publié aux éditions Chandeigne, Isabela Figueiredo, dans un style sans fioriture, bouleverse nos certitudes et notre indifférence. Après la lecture, une lecture à approfondir grâce à l’excellente préface de Léonora Miano, vous ne serez plus tout à fait le même ou la même. N’est-ce pas le signe d’un grand livre ?

Son odeur après la pluie, Cédric Sapin-Dufour

Alléché par ce succès inattendu, vendu comme l’histoire d’un petit prof d’EPS et son chien, j’étais curieux, surtout que j’ai peur des chiens (de leurs maîtres plus précisément) et je suis un dingue de chat.

La première question que je me suis posée : les fous de chien vont-ils aimer Son odeur après la pluie ? La réponse est oui, à l’instar de Jean-Paul Dubois qui offre une excellente préface (D’habitude, je ne le lis jamais, elles m’ennuient). 7,5 millions de chiens en France, sans compter le monde francophone, ce livre va être un cadeau idéal : « Prends-lui ça, la couverture avec le chien, j’ai vu un truc sur BFM et elle nous gonfle tellement avec son clébard ! ». Je vais moi-même l’offrir à une amie vétérinaire pour connaître son opinion.

Je pense que Cédric Sapin-Dufour décrit avec justesse l’amour entre un homme et son chien. Il les aime tellement qu’il en adopte deux autres, des grands. Il trouve une compagne qui partage sa passion. Ils sont passionnés de chien et pour eux, ce ne sont même pas des sacrifices. Beaucoup s’identifieront à eux.

Et les autres ? Je suis dubitatif.

D’abord, si j’apprécie quand un auteur chercher à tourner un minimum ses phrases, entreprend un effort ; ici, cela en devient parfois grotesque. Surtout au début du livre, Cédric Sapin-Dufour ne savait pas comment débuter, alors qu’il avait bien sûr la fin en tête, chaude et tragique. Pour rendre intéressantes des banalités, il tente un style littéraire confus :

 Il est ainsi des pics de l’existence qui invitent les géographies de l’enfance, nostalgie d’un temps où les rêves faisaient foi, évidents, irrévocables, insensibles aux monitions des prophètes de pacotille, experts en lendemain malaisés, ceux qu’on appelait les vieux.

Il cherche le bon mot, comme « cénotaphe », mais un cénotaphe ne contient pas le corps du défunt, en Inde, j’en ai visité et nos monuments aux morts en sont.

De plus, l’auteur m’a paru peu sympathique. Attention, personnalité de l’auteur m’indiffère dans un livre, sauf et c’est le cas ici, quand c’est une autobiographie. Cédric Sapin-Defour et Ubac le bouvier bernois sont les personnages principaux. En résumant son récit, si vous n’aimez pas les chiens, vous êtes des imbéciles. Et ce monsieur ne peut pas s’empêcher, surtout au début, il ne sait pas quoi écrire, de lancer des réflexions.

Finalement, ce sentimentalisme ne fait de mal à personne sauf à l’humanité tout entière négligeant la force souveraine des uns, niant l’arrogance des autres, oubliant qu’une poignée de milliards d’hommes mériteraient d’être choyés de la sorte.

Là, il fait la morale à ceux qui achètent des gadgets pour leurs chiens. Lui, il a payé 900 euros le sien. Chacun est libre de dépenser son argent comme il veut et devrait éviter de mettre son nez dans les dépenses des autres.

Enfin, je n’ai pas été touché. Je pensais réveiller le petit enfant qui pleurait devant la mort d’un animal. Raté ici, tant l’amont fut prétentieux et moralisateur.

En conclusion, je suis content d’avoir eu la curiosité de lire Son odeur après la pluie, sans en être la cible. Je le note sévèrement, peu enclin à valoriser leur quotidien. En revanche, je comprends son succès et je ne nie pas son intérêt pour les cynophiles.