Peut-être vous avez vu le film de Todd Haynes. Je vous dis ça pour ne pas raconter l’histoire. Je n’aime pas répéter une quatrième de couverture. En une phrase : une jeune vendeuse rencontre une femme bourgeoise et plus âgée, dans les années 1950 à New-York.
Techniquement, Carol est un roman lesbien, un livre LGBT. Second roman de Patricia Highsmith, une autrice spécialiste des thrillers, refusé en 1951, publié en 1952 sous un pseudonyme, vendu par le bouche-à-oreille, il fallut attendre 1985 pour qu’il soit publié en France sous le titre Les Eaux dérobées.
Carol est un grand livre.
Grand livre dans le style. Patricia Highsmith cisèle avec soin le temps suspendu et les détails :
La perle qui frémissait à son oreille ressemblait à une goutte d’eau qu’un souffle aurait pu détruire.
Le vocabulaire n’est pas soutenu, mais le style est littéraire, ceci pouvant décourager ceux qui ne sont pas habitués à lire.
Grand livre dans l’histoire. Certes, quelques longueurs peuvent se rencontrer, surtout dans une société habituée à ce que la protagoniste s’envoie en l’air dès le premier chapitre. Le rythme est volontairement lent, dans un monde déjà rapide en 1950 mais si lent pour nous tous. Ce sont des lignes entières de regards, de sourires, de volutes de fumée, de mains sur l’épaule. Tout en retenue. Le personnage de Carol n’est pas attachant, comme le mien dans Les Dettes de Je. Aujourd’hui, un roman à succès impose souvent la mièvrerie.
Et comme tout grand livre, grand livre dans sa postérité. Carol a changé le regard et l’acceptation de nombreux personnes gay dès sa parution (car comme le dit l’autrice, dans l’avant-propos et la postface (à lire) : personne n’est malade ou s’ouvre les veines à la fin). Ensuite, il attira un public curieux et ouvert.
Laissez-vous emporter par cette magnifique histoire d’amour, tout court :
Son parfum, à nouveau, parvint à Therese, clair-obscur, légèrement sucré, évocateur d’une soie vert sombre, un parfum qui lui appartenait en propre comme à une fleur.