Imaginez. Vous êtes né(e) au Mozambique, du temps de la colonie portugaise. Vos parents, des Portugais qui ont fui la pauvreté pour un avenir meilleur, ont amélioré leur sort et préparent votre futur.

Votre père, vous l’aimez. Plus peut-être que votre mère, en tout cas, il vous fascine. Il règne sur son foyer, rien d’exceptionnel à l’époque. Il n’hésite pas à vous battre, à vous punir, à vous chérir, il décide et on ne discute pas.

Votre père est un colon, avec tous les travers du colon. Raciste, capricieux, intolérant, violent. Attention, vous n’êtes pas nés dans une famille de riches colons. Non, une petite classe moyenne ou même populaire qui s’offre des plaisirs uniquement parce que d’autres n’en ont pas et vous servent.

Vous aimez votre père, mais vous vous sentez différent(e) de lui. Vous n’allez pas vous mélanger aux Noirs, c’est interdit, mais vous ne comprenez pas pourquoi, dès votre enfance.

Votre père vous prie avant de monter dans l’avion de raconter ce que les « nègres » (le mot est employé tout au long du livre) font aux Blancs. Votre père rêve d’une Afrique blanche sur le modèle de l’Afrique du Sud, débarrassée du Portugal.

Des années plus tard, vous souhaitez écrire sur cette période, vos dernières années sur votre terre natale, avant le retour au Portugal dans le plus grand dénuement.

Vous allez livrer un témoignage, une petite histoire dans la grande. En trahissant votre père, à qui vous dédiez ces pages.

Dans ce court récit autobiographique, un best-seller primé au Portugal et publié aux éditions Chandeigne, Isabela Figueiredo, dans un style sans fioriture, bouleverse nos certitudes et notre indifférence. Après la lecture, une lecture à approfondir grâce à l’excellente préface de Léonora Miano, vous ne serez plus tout à fait le même ou la même. N’est-ce pas le signe d’un grand livre ?

2 commentaires sur « Carnet de mémoires coloniales, Isabela Figueiredo »

  1. Sur le même thème, je préfère les récits d’enfance de JMG Le Clézio et en rester là. C’est beaucoup plus lumineux sur nos relations idéalisées avec l’Afrique et les africains.

Laisser un commentaire